PORTFOLIO
ANTOINE VAN LOOCKE
DANS LES COULISSES D’UN ARTISAN
PHOTO CHRISTIAN HAGEN POUR BIG BOOK

 

« Mes couteaux d’art sont des matérialisations d’anecdotes »

 

“C’est David Toutain, grand Chef à Paris, qui m’a d’abord aiguillé sur les traces d’Antoine. Design Vlaanderen m’a donné ensuite les coordonnées. J’ai vite compris qu’il n’y avait pas de politesse feinte, de “monsieur”, mais que j’étais en face d’un artiste sensible, généreux, mais sans concession. Ca collerait ou pas”, nous explique Christophe Hardiquest venu apporter des pierres volcaniques d’un voyage ibérique. “Pour l’inspirer. M’en fera-t-il des couteaux ? “. Le feeling entre Christophe et le coutelier a dés le début été positif et constructif. Aujourd’hui, installés à une table de BonBon**, vous pouvez choisir les couteaux de Monsieur van Loocke dans une superbe boîte de bois. A notre arrivée dans la maison de l’artisan, en rase campagne flamande, le ton est donné: “ Si vous venez acheter des couteaux ici, passez votre chemin ! ”. Eclats de rire. Pas de business ici. Antoine a un parcours atypique et sincère.

 

“À la base, je suis peintre, sculpteur, dessinateur et jusqu’à mes 42 ans, tout ça a donné un joyeux bordel ! Un moment, j’ai fait une sculpture. Puis je l’ai regardée. Me suis senti déçu. C’était fini. J’avais acheté toutes sorte de burins… Plus jamais utilisés. Ce qui m’intéressait, c’était le ‘work in progress’. Pas le résultat que tu regardes comme tu te parles à toi-même. Grâce aux couteaux d’art ensuite, la révelation est venue à 45 ans… Tout le puzzle de ma vie s’est assemblé ”. Christophe s’enthousiasme : “C’est la même chose pour mon parcours de Chef : des événements, des rencontres, des livres, des voyages ont en quelque sorte coagulé pour dessiner une ligne créatrice. Une recette évolue de la même manière : tout d’un coup se cristallise une composition précise à partir d’éléments disparates, sans relations a priori ”.

 

Arrive le café. Le feu est allumé. Antoine ajoute: “ Il y a d’abord une histoire. Des poulets de Bresse, par exemple. Venus pour un concours Bocuse d’Or en Belgique. J’ai fait des couteaux aux manches en pattes de poulet de Bresse. Les juges du concours s’en sont servis à table…”. La durée d’un événement se contracte dans une oeuvre spatiale. “C’est aussi issu de mon bricolage, de ce que je jette, sélectionne, casse, oublie…”. Mais alors, Antoine ne s’ennuie plus. Son art, incarné dans le quotidien, devient communication. Il raconte des histoires en forme de couteaux. “ On prend à la nature, on donne, puis la naturel le reprend. C’est comme une oeuvre culinaire de Christophe. Il faut bien se décider à la manger !”. Rires. Antoine a créé du Land Art… Il aime le Temps qui pourrit le bois, l’acier Damas aux valeurs hétérogènes de carbone dessinant des lignes de vie dans le métal. “ J’aime capturer un événement.“

 

Une heure est un événement. Notre rencontre. Ou trois ans pour pourrir un morceau de bois. Mes couteaux sont des captures photographiques du Temps”. Christophe vibre pour cette philosophie. En même temps Antoine est un artisan. Regarez ses mains. Il travaille la matière. Même le papier qui enveloppe ses couteaux vient d’un moulin hollandais où l’on travaille le papier végétal comme jadis ! J’aime sa recherche haletante, sans filet, non intéressée par l’argent, le marketing. Il est une source d’inspiration pour moi”.

 

On resterait des heures à écouter ces hommes singuliers, si précieux pour notre Qualité belge.